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Héritages controversés : comment la Couronne britannique finance ses chantiers immobiliers grâce aux successions non réclamées

La face cachée du financement royal : quand les héritages oubliés paient pour Buckingham et consorts

Entre tradition séculaire et modernité financière, la monarchie britannique a trouvé une source de revenus aussi discrète qu’efficace : les successions sans héritiers. Une manne qui, année après année, permet de restaurer châteaux et résidences royales, tout en interrogeant sur l’éthique d’un système où l’État – et in fine la Couronne – hérite de ceux qui n’ont plus de famille.

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Un trésor dormant : les bona vacantia, ou l’art de récupérer l’argent des défunts sans descendants

Imaginez un instant : une personne décède sans laisser de testament ni de proches identifiables. Que deviennent ses biens ? Dans la plupart des pays, ces actifs sont reversés à l’État. Au Royaume-Uni, cette pratique, encadrée par le concept juridique de bona vacantia (littéralement « biens vacants »), prend une tournure particulière : une partie de ces fonds alimente directement les caisses du Duchy of Lancaster, un portefeuille immobilier et financier géré... par le monarque en personne.

Concrètement, cela signifie que : - Chaque année, des milliers de successions non réclamées (comptes bancaires, propriétés, objets de valeur) sont transférées à la Couronne. - Depuis 2022, ce mécanisme a rapporté plus de 60 millions de livres sterling (environ 70 millions d’euros) au Duchy of Lancaster. - Ces revenus sont ensuite réinvestis dans la rénovation du patrimoine royal, des toitures de Windsor aux systèmes de chauffage de Balmoral.

> « C’est un cercle vertueux pour la monarchie, mais un cercle vicieux pour ceux qui ignorent que leur lointain cousin pourrait un jour financer les travaux du palais », ironise un avocat spécialisé en droit successoral londonien.

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Charles III, gestionnaire avisé ou bénéficiaire d’un système opaque ?

Si la reine Élisabeth II avait déjà recours à ce dispositif, Charles III en a fait un pilier de sa stratégie financière. Depuis son avènement, les dépenses de rénovation des résidences royales ont explosé, avec des projets pharaoniques comme :

- La modernisation écologique de Buckingham Palace (coût estimé : 369 millions de livres sur 10 ans), incluant des panneaux solaires et une chaudière à biomasse. - La restauration du château de Windsor, endommagé par un incendie en 1992 et aujourd’hui en pleine métamorphose. - L’entretien des fermes et domaines agricoles du Duchy of Lancaster, dont les revenus locatifs grimpent grâce aux prix de l’immobilier.

Problème : ces travaux sont en partie financés par un argent qui, sans héritiers, aurait pu être redistribué à des œuvres caritatives ou des services publics. « Techniquement, c’est légal, mais moralement, c’est discutable », estime un professeur de droit constitutionnel à l’université d’Oxford. « La monarchie se présente comme un symbole d’unité nationale, mais elle profite aussi d’un système qui déshérité les plus vulnérables. »

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Comment fonctionne ce mécanisme ? Décryptage d’un système bien huilé

  1. Le décès sans héritier : Lorsqu’une personne meurt intestate (sans testament) et sans famille identifiable, ses biens sont déclarés bona vacantia.
  1. Le rôle du Treasury Solicitor : Ce service gouvernemental recense les successions non réclamées et les transfère au Duchy of Lancaster après un délai de 30 ans (12 ans en Écosse).
  1. L’enrichissement du patrimoine royal : Les fonds sont alors utilisés pour entretenir ou moderniser les propriétés de la Couronne, sans passer par le budget de l’État.

Exemple concret : En 2023, une propriété à Londres estimée à 2,5 millions de livres, laissée sans héritier, a été vendue aux enchères. Une partie des revenus a servi à financer... la rénovation des cuisines du palais de Kensington.

> « C’est un peu comme si votre grand-oncle célibataire et sans enfants payait, sans le savoir, la nouvelle piscine de Charles III », résume un journaliste du Guardian.

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Polémiques et alternatives : faut-il réformer le système ?

Si la monarchie défend un « usage responsable » de ces fonds, des voix s’élèvent pour dénoncer :

Les arguments des défenseurs : - « Ces biens n’ont pas de propriétaires légitimes, mieux vaut qu’ils servent à préserver le patrimoine national. » - « La Couronne génère des emplois et du tourisme, ces investissements sont rentables pour le pays. »

Les critiques des opposants : - « Pourquoi cet argent ne va-t-il pas aux hôpitaux ou aux écoles, plutôt qu’à dorurer les grilles de Buckingham ? » - « Le système manque de transparence : combien de successions sont concernées chaque année ? Où va vraiment l’argent ? »

Des alternatives existent : - En Australie ou au Canada, les bona vacantia sont reversés à l’État pour des projets sociaux. - En France, les biens sans héritiers reviennent aux communes, qui peuvent les utiliser pour des logements sociaux ou des équipements publics.

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Conclusion : entre tradition et modernité, un débat qui dépasse l’immobilier

La question du financement de la monarchie par les héritages non réclamés soulève un dilemme plus large : jusqu’où une institution symbolique peut-elle puiser dans des ressources indirectement « publiques » sans perdre sa légitimité ?

Alors que Charles III mise sur une image de monarque « vert et moderne », ses détracteurs lui rappellent que la modernité passe aussi par la transparence. « Rénover des châteaux avec l’argent des morts, c’est un peu comme construire un avenir sur des fantômes », glisse un historien.

Et vous, seriez-vous prêt à ce que votre héritage, faute de descendants, finisse dans les caisses de la Couronne ?

[Pour aller plus loin :] Le site officiel du Duchy of Lancaster | Rapport parlementaire sur les bona vacantia (2023)

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Crédit image : CartoImmo